petits coups bas entre amis (tyler maslow)

La journée n'aurait pas pu commencer plus mal. Debout à 7h du matin, comme à mon habitude, je découvris avec stupeur, sinon avec horreur, mais en tout cas trop tard et trop brutalement, qu'il n'y avait plus d'eau chaude. Un cri s'échappa de ma bouche lorsque l'eau glacée s'abattit sur mon corps nu et mes cheveux en bataille. Pour une fois, ma douche ne dura que deux minutes, chrono en main. Je sortis, grelottante et incapable de me réchauffer. Même le sèche cheveux ne parvint pas à me faire cesser de claquer des dents. J'enfilai pour le coup un pullover, malgré les températures relativement agréables pour ce début de septembre. Mais j'étais de mauvaise humeur. Comme si le sort s'acharnait, je me souvins (trop tard encore une fois), que le café du coin était fermé pour ses congés annuels. Autrement dit: pas de bon café noir pour commencer la journée, je devrais me contenter de l'affreuse mixture de la machine à café pour tenter d'émerger. Cette perspective n'arrangea rien à mon moral, bien au contraire. Arrivée au NITS, j'adressai un sourire contris à la réceptionniste qui comprit d'un coup d'oeil que ce n'était pas le moment de me parler, bon point pour elle, car je n'étais franchement pas d'humeur à écouter sa voix suraiguë me raconter les derniers potins. D'ordinaire, je l'écoutais durant les dix secondes où je traversais le hall, mais ne prêtais pas plus attention à ces racontards de couloirs. Aujourd'hui, rien que d'imaginer les bêtises que les employés pouvaient bien inventer sur le dos des autres me donnait la migraine. J'arrivai finalement à mon bureau après un rapide passage à la machine à café.

Le gobelet en plastique brûlant déposé à côté de mon écran, je démarrai mon ordinateur, résolue à ne pas laisser les petits désagréments de mon réveil brutal me gâcher la journée. J'introduis mon nom d'utilisateur et mon mot de passe, fière de constater que je n'avais pas oublié le dernier en date. Les changements fréquents pour la sécurité des informations étaient plutôt ennuyeux et je finissais toujours par oublier quel mot de passe j'avais inséré pour le mois à venir. Cette fois-ci, c'était plutôt simple: j'ai trouvé un stratagème mode pour mes mots de passe. Septembre commence par un S comme Sonia Rykiel et Stella McCartney. Le dilemne avait été de trancher entre ces deux créatrices de génie. Mais j'étais tombée amoureuse d'une robe bleu électrique par Stella McCartney, le problème avait été rapidement résolu. Je savais que j'étais complètement stupide de choisir mes mots de passe de la sorte, mais c'était le seul endroit au bureau (hormis sur moi-même), que je pouvais exprimer mon goût pour la mode... Une fois les systèmes de sécurité passés, j'ouvris ma boîte mail afin de vérifier l'état de certaines demandes que j'avais faites auprès de différents services de l'entreprise. Mon emploi du temps de la journée était assez chargé puisque je devais établir un plan du contenu du nouveau site internet du NITS. Pour cela, j'avais besoin des avocats, des responsables marketing et de beaucoup d'informations relevant de différents domaine, mon boulot étant de présenter au mieux la société. La tâche était ardue car il y avait tant à dire sur NITS et ses activités, tant du point de vue légal que des technologies développées par nos fabuleux informaticiens. Un bip étrange attira mon attention et je vis ma boîte mail s'éteindre d'un seul coup, en même temps que certains dossiers que j'étais en train de télécharger du serveur. Je tentai de me reconnecter, en vain. J'avalai une grande gorgée de café, inspirai un grand coup et redémarrai mon ordinateur. Rien n'y fit. La journée se finirait donc aussi mal qu'elle avait commencé. Soucieuse, j'interrogeai mes voisins de bureau sur les accès au serveur. J'étais la seule à ne pas pouvoir y accéder. Je bouillonnais. En fait, je savais pertinemment qu'il y avait quelque chose -ou plutôt quelqu'un- derrière tout cela. Je relevai mes manches, énervée. C'était mon réflexe lorsque j'avais les nerfs en boule et que je m'apprêtais à passer un savon à quelqu'un.

Je me levai de ma chaise, furibonde et fonçai presqu'en courant jusque la salle informatique. Mes talons aiguilles Louboutin claquaient sur les carrelages impeccables des couloirs. Je débouchai en trombe dans la salle, claquait la porte en l'ouvrant. Quelques employés levèrent les yeux de leur écran pour voir ce qui m'amenait, et surtout dans cet état. Je ne prêtai aucune attention à leurs éventuelles questions et finis par arriver au bureau de Tyler Maslow. Les mains sur les hanches, je m'éclaircis la gorge. Il leva les yeux vers moi avec son petit air innocent et son affreux sourire mesquin.

Je peux savoir pourquoi tu bloques mes accès au serveur? J'en ai besoin pour travailler, moi, monsieur-je-sais-tout. Tu vas réparer ça tout de suite, j'ai pas de temps à perdre à tes petits jeux débiles!

Quelques informaticiens s'étaient tournés vers nous, un petit sourire aux lèvres. Je savais que je n'étais pas la bienvenue dans ce monde de dingos de l'informatique. Il faut dire que je n'étais pas tout à fait du genre de ces personnes. Ils devaient bien s'amuser à me regarder m'énerver comme ça...

Ce petit malin faisait tout pour m'énerver, ces derniers temps. Et il y parvenait, c'était ça le pire. Evidemment, ce petit as de l'informatique n'en perdait pas une pour faire planter mon ordinateur. Et comme moi, malheureusement, je me débrouillais seulement basiquement sur ces machines, impossible de jouer à la plus maline avec lui. J'ignorais ce que j'avais bien pu lui faire pour qu'il décide de me prendre pour "souffre-douleur", mais je comptais bien résoudre cette question le plus rapidement possible, sous peine de devenir folle avant la fin du mois. J'étais déjà fatiguée de ses pitreries puériles, et son petit jeu venait seulement de commencer. J'ignorais comment me sortir de là dans la bonne humeur, mais une chose était certaine: s'il continuait à m'empêcher de travailler pendant trop longtemps, je n'aurais plus qu'à m'en référer à son supérieur. Il avait beau être le petit génie qui fabrique des machines intelligentes, il n'avait pas tous les droits. Et surtout pas celui d'empêcher l'entreprise de tourner correctement.

J'étais énervée, à vif. La journée commençait mal et nul doute qu'elle finirait comme elle avait commencé. Les informaticiens, ravi de voir enfin un être vivant de chair et de sang pénétrer dans leur antre totalement invivable, fixaient sur moi leurs yeux bouffis d'avoir trop travaillé. J'aimais énormément mon travail, mais j'avais mes limites. Eux, je les imaginais parfaitement dormir au bureau sous prétexte de terminer un projet commencé. Ou alors passer leurs nuits à chercher des solutions à leurs problèmes informatiques de la journée. C'était bien le genre de la maison. Et quand ces abrutis de l'ordinateur daignaient vivre en dehors de leur bulle, ils entraient dans une autre, une pire: celle des jeux de rôles et des films de science fiction... Curieusement, j'imaginais en ce moment Maslow avec le casque de Dark Vador sur la tête... mais sa réplique m'arracha une autre image: celle de Double-face, l'affreux vilain de Batman. Je gardai mon image pour moi, je n'avais aucune envie qu'il se lance trop sur le sujet. Je tapotais toujours du pied sur le sol, cela m'aidait à ne pas lui envoyer ma main dans la figure. Et Dieu qu'il m'énervait avec son calme jouissif. J'aurais eu un verre d'eau, je le lui envoyais en pleine figure.

Maslow, je n'ai réellement pas que ça à faire. Alors cesse tes enfantillages: répare-moi ça de suite!

Je soupirai. Pourquoi continuer à rester polie puisqu'il avait déjà compris que j'étais hors de moi.

Contrairement à toi, moi j'ai du boulot. J'ai une réunion cet après-midi et j'ai besoin des fichiers qui sont sur le serveur. Si je ne les ai pas dans les cinq minutes, tu peux être certain que je te fais virer.

C'était peut-être un peu excessif, mais en jouant de mes relations, je pouvais toujours m'en sortir avec au moins un avertissement à son encontre. Mon boulot était important pour la société. Le sien également, mais des petits génies en intelligence artificielle, le NITS était capable d'en trouver à la pelle. Et des petits génies qui ne sont pas imbuvables, ça devait exister sur le marché...