Tu m'touche, j'te bouffe.__& Charly.

Il était déjà deux heures de l'après midi quand Charly pris sa pause déjeuné. Après avoir bossé toute la matinée sur un nouvel anti-virus et deux bases de données sécurisées, son cerveau était en ébullition et il ne savait plus trop où donner de la tête. Il laissa d'ailleurs tout ce sur quoi il travaillait pour aller se chercher un sandwich à la cafétéria du NITS avant de reprendre ses fonctions de fouine-nerd-d'ordinateur; et bouscula au passage deux ou trois stagiaires qui papotaient près de la porte de la salle informatique. Des murmures réprobateurs le suivirent jusqu'à qu'il ai tourné à l'angle du mur.

En passant près d'une baie vitrée, Charly y vit son reflet pâle et fatigué, le t-shirt noir au logo de Dark Vador un peu tombant et défraichi. Seul ses yeux étaient vifs, leur couleur d'un bleu délavé comme seule source de vigueur dans son corps épuisé par la semaine de nuits blanches qu'il avait passée à mettre au point quelques sécurités informatiques de plus. Boulot bien payé, mais socialement destructeur, si cela avait été son truc. Le site Star Wars Source n'avait d'ailleurs pas été mis à jour depuis deux semaines faute de temps, et une culpabilité sourde lui tiraillait les entrailles.

Charly décida d'ignorer son alter égo vitré pour se diriger vers les étages supérieur en passant par le couloir principal. Inconsciemment, comme toujours lorsque sa fille lui manquait, il se frottait doucement l'avant bras droit qui portait le tatouage en son honneur. Il s'était encore engueulé avec la mère hier soir, lorsqu'il lui avait dit qu'il ne pourrait pas prendre Rowena ce weekend à cause d'un séminaire sur l'intelligence artificielle. Il s'arrêta devant une machine à café puis repris sa route avec un gobelet brûlant entre les mains: il marchait nonchalamment le long du grand couloir, faisant particulièrement déplacé au milieu des cadres en costume trois pièces, avec ses lunettes carrés, son t-shirt à l'effigie de Dark Vador et son jean troué aux genoux. Un petit sourire satisfait - dû en l'occurrence au fait d'importuner la vue de ces chers travailleurs - se peint sur ses lèvres fines, et il pris tout son temps pour parcourir le peu de chemin qu'il lui restait à faire jusqu'à l'escalier. De temps à autre, Charly jetait même un coup d'oeil impromptu dans les bureaux ou par dessus les boxs des employés, comme un voyeur mal embouché qui ferait la tournée du propriétaire.

Il passa alors devant la salle réservée à la photocopieuse, et son regard capta l'espace d'un instant celui, détourné, de Jasmyn. Il fit un pas en arrière pour passer sa tête dans l'entrebâillement de la porte, et bu une gorgée de café avant de rejoindre la jeune femme. Il ferma la porte et s'assit sur la petite table réservée au tri des papiers recyclés, et son regard devint brusquement moqueur tandis qu'il observait la magnifique blonde qui s'était détournée de la porte dans l'espoir qu'il n'entre pas. Elle n'avait peut-être même pas encore remarqué sa présence. Charly se racla la gorge.

« Alors, Madâââme se détourne quand j'approche, maintenant ? Ce n'est pas très poli, hein. »

Le jeune homme vida aux trois quarts son gobelet, puis ajouta:

« Hmm des photocopies, je vois. » Son ton était devenu légèrement ironique. « Un vrai poste à responsabilités, c'est rien de le dire ! »

Il s'en foutait d'être aussi mesquin envers elle, Jasmyn ne pouvait pas le détester plus qu'elle ne le détestait déjà, alors autant en profiter. Elle était tellement belle... Mais moins qu'Aly. Il se rendit compte que la mère de sa fille lui manquait un peu, malgré la promesse qu'il s'était faite de ne jamais plus y penser.

Non, effectivement, Jasmyn n’avait pas remarqué que Charly était entré dans la salle. Elle était trop dans ses pensées, loin, très loin de la salle où elle se trouvait. Elle ne changeait les copies que machinalement. La voix de Charly retentit brusquement et la jolie blonde sursauta. Se tournant, elle jeta au jeune homme un regard noir. Bon Dieu qu’il était insupportable celui-là.

En même temps, je n’ai pas envie d’être polie avec toi Borowski.

Jasmyn lâcha un soupir, blasée. Lui tournant de nouveau le dos, elle se rendit alors compte qu’il n’y avait plus de papiers dans la machine. La jeune femme leva les yeux au ciel, exaspérée. Les employés devaient bouffer le papier, ce n’était pas possible. C’est ce moment là que Charly choisit pour faire une remarque. Jasmyn le regarda, et heureusement pour lui que les yeux de la jeune femme n’était pas des mitraillettes, sinon il aurait été fusillé.

Dis donc Mr le fan de Star Wars, est-ce que je t’emmerde par rapport à ton boulot moi ?

Non, elle n’était pas contente. Tout la faisait chier aujourd’hui, vraiment. Se passant une main dans les cheveux, geste inconscient, elle inspira profondément pour calmer la colère qui était en train de monter en elle. Ouuh, Mlle était vraiment d’une humeur massacrante. Contournant Borowski et la table où il se trouvait, elle alla fouiller dans le placard qui se trouvait là, priant pour qu’il y ai du papier … Peine perdue. Jasmyn roula des yeux et se redressa, remettant son chemisier en place par la même occasion. Repassant devant Charly, sans lui accorder un regard, elle ouvrit la porte de la salle. Coup de chance, un stagiaire passait au même moment. Jasmyn l’interpella :

Eh toi ! Oui toi là, tu vois quelqu’un d’autre dans le couloir, idiot ? Pourrais-tu aller me chercher du papier pour la photocopieuse ? Et vite !

La commande passée, la secrétaire referma la porte et retourna près de la photocopieuse, s’appuyant contre celle-ci. Il ne restait plus qu’à attendre le papier. Une bonne clope lui aurait fait du bien, mais bon … Il fallait qu’elle se calme sur la cigarette, réellement. Se mordant la lèvre, la jeune femme se mit à tapoter la photocopieuse du bout des ongles. Tac, tac, tac … Cela créait un son assez énervant, mais ça avait le ton de la déstresser. Jasmyn n’accordait plus un regard à Charly pour le moment, elle semblait absorbée dans la contemplation du sol, pensive. Mais d’un coup, elle posa ses beaux yeux verts sur Charly et haussa un sourcil.

T’as pas du boulot toi ? Qu’est-ce que tu fiche ici à glander ?

]En gros, ça voulait dire « Tu veux pas te barrer, tu pollues mon air. » mais bon … Oui, Jasmyn était de mauvaise humeur, il fallait bien qu’elle s’en prenne un peu à quelqu’un ! Et Charly se trouvait être le seul dans la pièce, il allait donc lui servir de défouloir.

Le duel Jasmyn vs. Charly round 1. pouvait commencer. C'était toujours toute une histoire lorsqu'ils se rencontraient, ces deux là. Avec elle, le jeune homme expérimentait une de ses caractéristiques les plus étranges: la contradiction consciente. Il aurait bien aimé la sortir un soir, histoire de satisfaire à ses besoins, mais ne pouvait en même temps s'empêcher de se faire détester par elle, de se rendre insupportable: il trouvait ça très fun. Au fond de lui, il savait qu'il n'avait pas vraiment envie de sortir ou même de coucher avec Jasmyn, mais le prétendre ne portait pas à préjudice puisqu'elle ne voudrait jamais de lui, et pendant ce temps là il pouvait s'amuser un peu avec ses nerfs.

Cette fois-ci, ce fut Jasmyn qui attaqua la première, tandis que Charly buvait son café.

" En même temps, je n’ai pas envie d’être polie avec toi Borowski. "

L'intéressé haussa les sourcils, amusé, et murmura dans sa barbe, suffisamment fort pour que la jeune femme l'entende:

« Tututut, du sarcasme, encore du sarcasme... »

A sa remarque suivante, Jasmyn sembla s'énerver encore un petit peu plus, et Charly eu la nette impression qu'énerver la belle, aujourd'hui, serait un jeu d'enfant: normal, elle était déjà énervée.

* Ah, ces stressés du bureau, on ne peut rien en faire ! *

" Dis donc Mr le fan de Star Wars, est-ce que je t’emmerde par rapport à ton boulot moi ? "

Juste ciel, c'était le moment des attaques personnelles ! Tout le monde s'en prenait à George Lucas, c'était réellement perturbant. S'étaient-elles toutes donné le mot ? Charly commençait à croire que la guerre entre Jasmyn et Roxanne n'était qu'une façade et qu'elles étaient en réalité meilleures amies: comment expliquer ça, sinon ? Les gonzesses, on y comprend rien, même quand on essaye !

« Bah non, et j'vois pas pourquoi tu le ferais: je suis l'élite de ce pays. »

Charly l'avait dit d'une façon très calme, d'un ton tellement convaincu qu'il lui avait parlé comme s'il venait d'énoncer une profonde vérité, un truc indiscutable. Son petit sourire était néanmoins toujours présent, preuve que sa moquerie n'avait pas disparue et restait tapissée dans la moindre de ses paroles.

Lorsque Jasmyn passa devant lui pour vérifier le stock de papier, ou qu'elle retourna vers la porte pour alpaguer un stagiaire tout en replaçant son chemisier, Charly se rinça ostensiblement l'oeil sur la charmante vision qu'elle lui offrait. Pourquoi se gêner ? Les secrétaires c'est fait pour ça. Mais contrairement à beaucoup d'hommes ici, haut placé ou pas, notre fan de Star Wars ne fit pas un geste dans sa direction, ne tenta pas même un effleurement "fortuit" de Jasmyn lorsqu'elle repassa devant lui une fois de plus: un connard, peut être, mais certainement pas un gros lourd tripoteur.

Après avoir engueulé le pauvre stagiaire, la jeune femme vint se perdre dans ses pensées, appuyée sur la photocopieuse. Charly se contentait de regarder autour de lui d'un air curieux et perdu, sirotant son café en tapotant du pied par terre. Ce fut Jasmyn qui le tira de ses pensées en lui adressant la parole d'un ton dur.

" T’as pas du boulot toi ? Qu’est-ce que tu fiche ici à glander ? "

Le jeune homme lui fit une moue perplexe avant de jeter son café dans la poubelle qui se trouvait de l'autre côté de la pièce, effectuant un fort joli panier.

« Hmmm, non j'ai pas d'boulot là. Pause déjeuné. » Lorsqu'il vit le regard que lui lançait Jasmyn, il désigna la photocopieuse d'un geste dédaigneux. « Roooh quoi, tu vas pas m'dire que t'as besoin de te concentrer pour faire des photocopies ! »

Il avait parfaitement compris qu'elle voulait le fiche à la porte, mais il ne l'entendait pas de cette oreille. Pas pour l'instant du moins.